Octobre.

 

Sarah vient de me montrer un article. Un témoignage. J'ai du mal à mettre mes mots sur ce que j'ai pu ressentir... Je n'avais jamais pensé à toutes celles et ceux qui vivent la même chose. A toutes ces jeunesses brisées, copies conformes de celle que j'ai vécu. Il n'y avait qu'elle & moi dans cette misère sans fin. Je n'avais jamais pensé à toutes ces mères qui ont détruit leur propre vie et la vie de leurs gosses avec. Comme si j'avais été et étais toujours irrémédiablement seule dans cette situation immonde. Comme s'il n'y avait qu'elle qui pouvait me comprendre. Sarah... Comme si personne d'autre que nous n'avait jamais traversé ce que nous avons traversé. Sauf qu'il doit y avoir des milliers de personnes comme nous. Des milliers d'autres âmes en peine qui ont une douleur semblable à la notre. Qui ont passé des soirées semblables aux notres. Et moi je n'avais jamais pensé à eux... Mais tout ce qu'elle m'a apporté, toute sa compréhension et sa présence me suffiront toujours. Elle vaut tellement les milliers d'autres...! Sarah.

Tout à l'heure, mon frère vient manger à la maison. C'est fou ce que le fait que je prenne mon indépendance nous a rapprochés! Comme avec mon père. Finies les engueulades aux sujets futiles. On a retrouvé la complicité qu'on avait, il y a de cela longtemps. On apprécie les (peu de) moments passés ensemble, à présent. Notre relation a grandi, et est plus adulte que jamais. Ca fait beaucoup de bien. De n'être donc plus considérée comme une enfant. De découvrir, en quelque sorte, ses proches avec un regard différent, presque neuf...

Elle a tout arrêté. Elle n'a même pas su me dire pourquoi, simplement que ça ne se passait "pas super"... Alors elle attend d'être placée dans un autre établissement. Bon, ça, je peux comprendre. Elle se sent pas à l'aise à cet endroit, ça va pas l'aider à guérir... Sauf. Que... Visiblement, tout juste sortie, la voilà avec son gros déchêt dépravé de "mec", à boire dans la joie et la bonne humeur. Mais merde! C'est ça, sa volonté?! Je suis complètement écoeurée et dans une colère...!

On a rendu visite à ma grand-mère aujourd'hui. Une de mes tantes et un de mes oncles étaient là. Ca faisait bien longtemps que je ne les avais pas vus! On a beaucoup parlé, de ma mère notamment. C'était instructif. Sinon, y a eu l'horreur inqualifiable de la journée... "De la ferme au frigo, la vérité de la production de viande." N'allez pas visionner cette vidéo si vous êtes du genre très sensibles. Sérieusement... J'ai encore du mal à mettre des mots sur ce que j'ai ressenti... C'est tellement impensable. Qu'on puisse prendre du plaisir à traiter les animaux d'une telle manière... Qu'on puisse faire preuve d'une cruauté pure, comme ça. La plupart des animaux sont "faits" pour finir dans nos assiettes, ce n'est même pas la question. Mais pourquoi, POURQUOI, faut-il les faire souffrir ainsi? Jamais je ne pourrai comprendre ça, ces "gens" qui, comme l'a dit mon Amoureux, prennent totalement la place des animaux (dans le sens le plus sauvage du terme). Je suis écoeurée. Ces images me resteront en tête pendant bien longtemps...

Bientôt en Novembre. Ca sonne déjà un peu comme Décembre, j'aime cette idée. J'ai hâte qu'il neige. Hâte de resortir mes rangers et de me faire mal aux talons. Hâte de fouler cette neige, un bonnet enfoncé sur mes oreilles. J'aime tellement l'hiver, sa pureté glaciale. Me promener dans les rues blanches, les écouteurs vissés aux tympans. Me sentir dans une profonde, belle et plaisante solitude... En attendant, il pleut et je déteste ça. En attendant, j'ai encore les bras moulinés. La douleur transforme chaque mouvement, chaque geste, en un véritable effort.

 

Novembre.

 

Mauvaise humeur qui ne me lâche pas. Peut-être due au temps de merde. A cette pluie dégueulasse et ce ciel sans couleur. Peut-être due au couteau qui m'a ouvert le doigt à midi. Ca ne m'était jamais arrivé, je crois, mais ça fait super mal ce genre de connerie!! J'ai envie de raler contre tout, de m'appitoyer sur mon sort tout l'après-midi, une bonne fois pour toute.

En répondant à un sondage aujourd'hui (et surtout en voyant les résultats de celui-ci) j'ai pu découvrir qu'environ 55% des français sont encore contre le mariage homosexuel... Ca me dépasse, d'une force, putain!! Mais quelle est donc cette mentalité? Cette ouverture d'esprit niveau zéro, cette tolérance inexistante? Je ne pourrais jamais comprendre pourquoi refuser à un couple qui s'aime de pouvoir se marier? Les trois mots qui font la devise française sont donc complètement annulés. Où est l'égalité, la liberté là dedans? Et la fraternité, l'acceptation de l'autre et de ses différences? Je suis complètement écoeurée. 

J'ai vu ma mère aujourd'hui. Ca faisait pas loin de deux mois... Ce qu'elle a changé. A tous les points de vue. Elle semblait aller bien mais elle est ailleurs. Complètement ailleurs. Constamment. On se parle, on se regarde mais elle n'est qu'à moitié avec moi. Je crois que l'autre moitié a disparu depuis longtemps sous les litres d'alcool que son sang a pu contenir, pendant toutes ces années... C'était bon de passer un moment avec elle mais j'ai compris aujourd'hui à quel point c'était irréversible. Elle ne redeviendra jamais comme avant... Je reste conne devant mon clavier, sans savoir ce que je pourrais bien ajouter à ça.

J'ai le coeur qui saigne. Je ne comprends plus rien de ce qu'il se passe dans ma vie et dans ma tête. J'ai peur de tout. J'en crèverai si je venai à le perdre... Mais tout a changé. Je ne retrouve plus la magie qui flottait dans l'air, avant. Qu'est devenue Notre Utopie? J'en crèverai s'il venait à se lasser de moi... J'ai tellement besoin de lui. Et j'ai tellement peu confiance en moi. J'ai tellement peur de toutes celles avec qui il passe ses cours. J'en crèverai si l'une d'elles devait un jour prendre ma place... Les larmes coulent toutes seules. Ca brûle un peu mes joues, elles n'y sont plus habituées... Mais petit Dieu a l'air d'aimer leur goût salé.   Il fallait que ça sorte. Ca encombrait mes pensées. C'est mieux, écrit quelque part. Je dois apprendre à accepter les changements et nos différences. C'est tout...

Et tout à l'heure, ma mère passe à la maison. J'aimerai avoir une réelle conversation avec elle. Pouvoir la comprendre, ou du moins savoir ce qui peut se passer, rien qu'un peu, dans sa tête. Ne plus se contenter d'échanger des banalités affligeantes, histoire de faire passer le temps qu'on avait décidé de partager. On verra, si le moment se prêtera à la discussion ou non.  

Ca me fait mal. De penser à quel point elle a été seule. A quel point certains l'ont abandonnée, et à quel point elle s'est coupée des meilleurs. Imaginer sa douleur, sa tristesse, son mal-être me tue. Elle me manque tellement, putain de merde. J'ai tout le corps qui tremble. Et les joues toutes mouillées. "Someone like you" en boucle n'arrange rien à mon histoire. C'est moi qui tape sur ce marteau qui enfonce le clou. Moi je ne peux pas retrouver quelqu'un comme elle, qui pourrait prendre sa place. Une place de maman ça ne s'échange pas. Mais ne pouvoir que contempler cette place vide me déchire le coeur...

Je suis quand même super lunatique. Ce que j'ai écrit hier s'est rapidement arraché de mes pensées. Je passe du rire aux larmes et inversement en quelques secondes. J'ai du mal à comprendre cette partie de moi-même mais j'aime autant pouvoir modeler mes humeurs de la sorte. Même si ce n'est pas vraiment moi qui contrôle tout...

Je suis allée voir ma grand-mère, cet après-midi. Je n'avais toujours pas digéré ce que je l'avais entendue me dire il y a une semaine, au téléphone. Que je pourrais faire plus, pour ma mère. Faire des efforts... C'est le genre de truc que je ne peux plus entendre. Ce n'est plus supportable. Sincèrement. Avec tout ce que j'ai subi, supporté, vu, entendu, pris dans la gueule, vécu pendant ces quatres dernières années, à cause de ma mère... Il n'est pas pensable que l'on puisse encore me dire ça. Je me devais de mettre les points sur les i. Ma mamie a le défaut de beaucoup parler même quand elle ne sait pas grand chose du sujet de base. Elle est encore à des années lumières d'imaginer tout ce qui s'est passé pour moi depuis quatre ans. Mais je lui ai dit ce que j'avais à lui dire. Que j'ai déjà tout essayé pour ma mère. Qu'elle n'imaginait donc pas ce que j'avais vécu. Qu'elle ne devait plus faire confiance à ma mère, vu les délires paranoïaques qu'elle se prend parfois. Je crois qu'elle a compris. Ca m'a fait du bien, de vider ce sac qui débordait. On a fait ça dans le plus grand calme, avec notre complicité habituelle. C'était bon.

 

Décembre.

 

Je suis lasse de toutes ces questions qui tournent en boucle dans mon cerveau. Il y en a trop. Et je n'ai pas les réponses. Je ne peux pas les éluder, faire comme si elles n'hurlaient pas à mes oreilles... Je réfléchis trop. Je cogite pour rien. Quelqu'un saurait me greffer un bouton "on/off" dans la cervelle?

Un cauchemar par nuit, régulièrement, ça ne suffisait plus. Deux, cette fois, c'était peut-être plus intéressant. Au réveil, j'avais déjà des larmes plein les yeux, prêtes à couler. J'étais prête à pleurer... Connard de subconscient de mes deux ovaires. J'te ferai la peau un jour.

C'est effarant, la manière dont la vie ne peut simplement pas être parfaite un instant! Ma mère rentre en cure demain. On ne se verra pas comme on le devait. J'ai eu droit à ses larmes au téléphone, c'était génial. Moi je suis contente qu'elle fasse encore cet essai. Même si je n'espère absolument rien. Mais c'est pas aussi simple... Elle sera pas là pour mes vingt ans... Et si j'veux la voir en ce jour spécial, je serai obligée d'aller la voir dans ce cadre magique qu'est une clinique pour drogués... Même si je m'étais préparée à cette éventualité, ça me fait mal au coeur. C'est drôle, mais j'imaginais pas mon 20 Décembre ainsi...

Après-demain... Cinquièmement tatouée. Des mois que je veux ces lignes et ces couleurs sous ma peau! C'que j'ai hâte! Ca y est, le bon stress s'empare de moi. Ce petit mal au bide discret mais bien là. Qui explosera vendredi à 15h! Parfait.

Je conçois pas. C'est pas normal, merde! Je reste conne devant mon écran sans savoir quoi dire. La colère monte toute seule, sans que je n'puisse rien faire. Ca m'fout en l'air, putain! Faut que j'arrête ça. Je préfère rien savoir plutôt que de morfler comme ça pour trois mots de trop. Mais c'est plus fort que moi... C'est incroyable. Mais pourquoi?! Pourquoi j'y arrive pas? C'était moi dans son lit hier, dans ses bras. C'est moi chaque nuit, à ses côtés. J'ai tellement peur qu'un jour ça ne soit plus le cas... Pourquoi il ne me dit même pas ce genre de chose, à moi? Pourquoi j'ai tellement besoin de preuves, de mots, sans cesse, tout le temps? Pourquoi j'ai tellement peur de l'abandon? Moi je le sais, bordel. Pourquoi tout ça a fait partie de ma vie, un jour? Je suis fatiguée de ces souvenirs empoisonnés... J'arrive même plus à pondre des phrases qui aient un sens. Tout ça ne voudra jamais rien dire pour quelqu'un qui n'est pas moi. Qu'on débranche mon cerveau! Putains de lignes sur mon poignet droit. "Carpe Diem"... Si seulement j'en étais capable...

Enfin. Petite poussière tombe sur la ville... Tu en auras mis, du temps. Les montagnes qui s'étalent sous ma fenêtre sont toutes blanches. Mais pas encore assez. J'en veux plus que ça. Je veux de la neige partout. Entendre les râleurs pester contre elle. Entendre ce craquement délicieux de la neige sous mes pas. Il n'y en a pas assez! S'il ne reneige pas dans la journée, il n'y aura plus rien dès ce soir... Et moi je veux que mon 20 Décembre soit enneigé. S'il te plait, poussière. Je m'sens bien ce soir. Bizarre, aussi. Pas dans le mauvais sens du terme. Mais je n'arrive pas à mettre un mot précis sur tout ce que j'peux ressentir. Comme si des milliers de sentiments se superposaient, à l'intérieur. J'ai hâte, peur, je suis heureuse, mélancolique, impatiente, et j'appréhende. Inquiète et sereine, je suis apaisée et surexcitée. Bordel dans le coeur.